CÉSARS – portrait-robot du lauréat du meilleur film

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par l’équipe HashtagMonde et le Point Pop

 

En collaboration avec le Point, l’équipe d’HashtagMonde vous présente le portrait-robot d’un gagnant du prix du meilleur film. Nous avons scrutés les données de 83 heures de film, en l’espace de deux semaines. Voici le résultat.

 

Ce n’est pas un secret : les Césars ont mauvaise réputation. On les dit rasoirs, snobs, superfétatoires. On dit qu’ils ne récompensent qu’un certain type de films, ceux que le Français moyen ne va pas voir. On cite pour preuve le « scandale » Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? grand absent des nominations de l’an dernier malgré ses 12 millions de spectateurs. Les comédies populaires, pense-t-on, n’ont pas voix au chapitre. Sauf si elles véhiculent un message « social » comme La Famille bélier. Autrement, mieux vaut être un bon vieux drame.

 

Voilà, peu ou prou, le portrait imaginaire qu’on se fait de la cérémonie censée récompenser chaque année le meilleur du cinéma français. Mais est-il conforme à la réalité ? Y a-t-il vraiment des caractéristiques du film à Césars ou s’agit-il de simples préjugés ? Pour le savoir, en collaboration avec le blog HashtagMonde, nous avons revisionné l’intégralité des Césars du Meilleur film. 83 heures de long-métrage en 2 semaines (oui, on a souffert). De quoi tirer la substantifique moelle de ces 41 années  d’existence des Césars et découvrir, en chiffres et en images, un portrait, robot cette fois, du film césarisé par excellence.

 

Un drame

 

C’est un fait (et non plus seulement un préjugé donc !), les Césars préfèrent les films sérieux. Sur 41 œuvres consacrées Meilleur film depuis la création de la cérémonie en 1976, 19 relèvent du drame et 13 de la comédie dramatique (l’adjectif est plus important que le nom). Cette année ne fera pas exception puisque seuls des drames et des comédies dramatiques concourent au César suprême.

On notera cependant que cette tendance à broyer du noir était moins forte dans les années 80 et 90. C’est à cette époque que les comédies ont eu le plus souvent droit de cité (merci aux Ripoux et à Trois hommes et un couffin d’avoir sauvé deux de nos soirées!). Les années 80 peuvent en plus se targuer du tableau de chasse le plus varié puisqu’elles comptent même les seuls films d’action/aventure du palmarès : La Guerre du feu de Jean-Jacques Annaud et La Balance de Bob Swaim.

 

… plutôt long (mais pas trop)

 

40% des lauréats affichent plus de 2h au compteur. Cela semble beaucoup mais, en réalité, environ 58% d’entre eux se placent entre 1h30 et 2h, ce qui signifie que la majorité de ces films césarisés ont une durée tout à fait conventionnelle. Les années 2000 sont les plus bavardes mais la tendance semble s’inverser depuis 2010. Le prix de la longueur revient à Tess, un drame de 3h06 récompensé en 1980. A moins qu’on considère comme un seul film Smoking/No Smoking (1994), une comédie en deux volets (sortis séparément en salle) qui totalise 4h45 de bobine. Quant au prix de la concision, il est attribué à Les Garçons et Guillaume, à table ! (2014) et son petit 1h27.

 

Un héros de sexe masculin

 

Qu’il soit Pianiste, Prophète, Artist ou homme de Cro-magnon, le héros des films césarisés appartient le plus généralement au sexe fort. Les hommes tiennent en effet le premier rôle dans 69% des longs-métrages couronnés. Les années 2000 peuvent se féliciter d’une parfaite égalité homme-femme mais on ne peut pas parler de progrès social puisque depuis 2010, seuls ces messieurs occupent le haut de l’affiche. Mais 2016 pourrait être l’année du changement puisque sur les huit films en lice, cinq mettent en vedette des femmes (Marguerite, Mon roi, Mustang, La Tête haute et Fatima) !

 

… et vieillissant

 

À l’image de la population française, le héros des Césars prend de l’âge. Si la majorité des personnages principaux a entre 30 et 40 ans (35%), ces derniers semblent vieillir en même temps que le festival. Dans les années 90, les 40-50 ans tiennent le haut du pavé et à partir des années 2000, les plus de 60 ans font leur apparition. Est-ce le reflet d’une Académie des Césars elle-même vieillissante puisque ses membres peuvent l’être à vie et que certains le sont donc depuis 1976 ? C’est justement pour cette raison que les Oscars viennent, eux, de changer leur règlement et de supprimer le droit de vote à vie (sauf pour les membres oscarisés).

 

Un réalisateur adulé des critiques

 

Comme le festival de Cannes, les Césars ont leurs chouchous. Des cinéastes dont le nom n’évoque souvent pas grand chose au public mais considérés comme de véritables stars par les critiques. Des cinéastes comme Alain Resnais, qui a vu trois de ses œuvres sacrées meilleur film (Providence en 1978, Smoking/No Smoking en 1994, On connaît la chanson en 1998) et qui a lui-même gagné deux fois le César du meilleur réalisateur. Souvent, d’ailleurs, Césars du meilleur film et du meilleur réalisateur vont de paire. Ce fut le cas pour Abdellatif Kechiche (L’Esquive en 2005, La graine et le mulet en 2008) et Jacques Audiard (De battre mon cœur s’est arrêté en 2006, Un prophète en 2010). Quant à Roman Polanski, autre chouchou du palmarès, il a remporté deux fois le prix du meilleur film (Tess en 1980, Le Pianiste en 2003) et quatre fois celui de meilleur réalisateur !

 

… et un acteur réconciliant critiques et public

 

Heureusement, les films césarisés peuvent compter sur leur acteur principal pour s’attirer les bonnes grâces du public. Contrairement à l’idée reçue selon laquelle les Césars snoberaient les acteurs populaires, la majorité des lauréats ont une star « absolue » dans le rôle principal, c’est-à-dire une personnalité appréciée aussi bien par le public que par les critiques. Alain Delon, Catherine Deneuve, Gérard Depardieu, Vincent Cassel, Romain Duris, Jean Dujardin… autant de noms familiers qui figurent sur les affiches des films primés.

 

Une histoire d’amour

 

Eh oui, les Césars sont romantiques. Alors qu’au Festival de Cannes, ce sont les drames sur la misère humaine et les classes sociales qui priment, aux Césars, les histoires d’amour ont davantage la cote. C’est particulièrement vrai dans les années 90, très peace and love à en juger l’absence des thématiques de guerre, d’histoire et d’immigration. On notera tout de même que les problématiques sociales font une percée dans les années 2000, en même temps que les questions de vieillesse et de mort. Est-ce parce que tout cela nous inquiète que, depuis 2010, les films empreints de religion et de spiritualité sont plus nombreux ?

 

Un film pas si impopulaire que cela

 

Qui a dit que les films des Césars n’intéressaient personne ? En fait, ils sont relativement populaires si l’on considère le ratio suivant : en 2015, seuls 11 films français sur plus de 200 ont réussi à dépasser le million d’entrées ; sur 41 films césarisés, les trois quarts comptabilisent plus d’un million d’entrées en salles. Pas si mal, non ? On trouve même, tenez-vous bien, un film à 10,2 millions d’entrées ! Il s’agit de l’une des rares comédies primées, le très culte Trois hommes et un couffin (1986) qui n’est autre que le 28e film le plus populaire de l’histoire du box-office tricolore.

Ceci dit, les cent films français ayant fait tourner le plus les tiroirs-caisses depuis 1946 comptent tous 5 millions d’entrées minimum. Et ce seuil, lui, n’est dépassé que par trois de nos lauréats (Trois hommes + Les Ripoux et Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain). Nulle trace des Visiteurs, d’Astérix et Obélix : Mission : Cléopâtre ou des Ch’tis au panthéon des meilleurs films, preuve que l’Académie n’hésite pas à passer à côté des phénomènes de société quand elle les juge indignes d’elle… Par ailleurs environ 25% des vainqueurs du trophée correspondent à des échecs en salles. Le prix du plus faible score au box-office revient à L’Esquive (2005) d’Abdellatif Kechiche : 373 618 spectateurs.

 

En bref
Le film typique des Césars est un drame d’environ 1h45 mettant en scène une histoire d’amour à caractère social avec un homme de 35 ans dans le rôle principal, incarné par une star, dirigé par un réalisateur inconnu du grand public mais adoubé par la critique, et ayant été vu au cinéma par moins de 3 millions de Français. En bonus, on peut aussi vous dire que le héros y fume en moyenne 5 clopes, avale 5 verres et demie d’alcool, couche un peu plus d’une fois, déclare sa flamme presque deux fois, distribue 6 coups de poing, voit mourir 4 personnes et pleure 4 fois et demie. On le sait parce qu’on a compté !

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Au total, sur les 41 oeuvres sacrées César du Meilleur film (c) Aurélien Buffet

 

 

Notice méthodologique

Sources principales:
Wikipedia
Les films eux-mêmes

Dénombrements:
Nous étions une dizaine de personnes, et avons compté chacun les actes de violence, scènes de sexe, etc. en les regardant, tout simplement.
Certains cas se sont révélés particulièrement ambigus alors que le projet avait déjà commencé. Quelques exemples:
– la déclaration d’amour: dans la guerre du feu, l’homme de Cro Magnon peine à exprimer son amour, sinon par des grognements cryptiques.
– La scène de sexe: dans trois hommes et un couffin, les bruits d’un coït n’ont pas suffit à nous faire flancher. Non, vraiment, la scène doit être vue.
– L’acte de violence: imaginez Cyrano ferraillant dans un combat dantesque près de la tour de Nesles et imaginez notre peine. Nous avons tâché comptabiliser ce que nous avions dit, des “actes”

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